Jean-Emmanuel COMBE : de l’hypnose de rue à la formation de professionnels
Jean-Emmanuel COMBE, créateur du blog « Street-Hypnose.fr » et figure de proue de l’hypnose de rue en France, a été convié par Olivier Perrot, dans le cadre de l’AFNH, à assurer une formation à l’hypnose classique, et notamment au traitement de la douleur, auprès de professionnels de la santé.
JD Paoli l’a rencontré à cette occasion.
JD Paoli : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
J-E Combe : Je m’appelle Jean-Emmanuel, j’ai 26 ans, et je suis Chef de Projet Informatique dans un centre de lutte contre le cancer. A côté, je pratique régulièrement l’hypnose depuis 2008 et plus spécifiquement l’hypnose de rue.
JDP : Comment êtes-vous venu à l’hypnose ? Quels hypnotiseurs ont nourri votre passion ?
JEC : Mon envie de découvrir les coulisses de l’hypnose s’est faite au hasard d’une émission télévisée consacrée à Derren Brown. Je le savais illusionniste, mentaliste, mais pas hypnotiseur. Je croyais qu’il y avait un « truc », jusqu’à ce que je comprenne que le truc en question était lié à la suggestion. Je me suis donc plongé dans de nombreuses lectures pour mieux comprendre…
Je dois donc avouer que Derren Brown a été le déclencheur chez moi de cette passion pour l’hypnose. Anthony Jacquin a été lui à l’origine de ma passion pour l’hypnose de rue. Son premier livre « Reality is Plastic » a été pour moi une bible pendant très longtemps et une réelle inspiration.
JDP : Pourquoi êtes-vous allé dans la rue pour pratiquer l’hypnose ?
JEC : Une fois qu’on a fait le tour de ses proches, on s’ennuie très rapidement. Une personne déjà hypnotisée n’est plus un challenge. Un simple claquement de doigts peut la faire replonger dans un état très profond. Il fallait donc trouver un moyen de renouveler constamment mes volontaires, afin de toujours conserver ce côté magique de la « première fois ».
JDP : Comment se sont passées vos premières expériences ?
JEC : La toute première, sur un ami, fut un échec. J’étais tout tremblant, peu convaincu ni convaincant. J’osais à peine, de peur de paraître stupide. Et puis je suis allé proposer l’hypnose à des étudiants dans un parc tout près de mon université en prétendant être déjà très expérimenté. Un vrai coup de bluff, qui s’est révélé une expérience incroyable. Ils se sont laissé aller et ils ont réussi à lâcher prise complètement. Ce fut une expérience inoubliable pour moi.
JDP : A partir de quel moment avez-vous ressenti le besoin de créer un blog et quel est l’objectif de ce blog ?
JEC : Assez tardivement en fait. Pendant près de quatre ans, j’ai hypnotisé dans mon coin, rencontrant sporadiquement quelques magiciens intéressés par l’hypnose. Notamment par le bouche-à-oreilles. J’avais jusqu’alors une activité beaucoup plus irrégulière. Et puis j’ai voulu me plonger complètement dans cette passion pour l’hypnose. Sans retenue. J’avais envie de transmettre mon expérience et de la partager. J’ai donc eu l’idée de créer un blog pour parler de moi, de ce que je fais, afin de présenter l’hypnose de rue qui était à cette époque une pratique très rare en France, pour ne pas dire inexistante. C’était au début une démarche totalement égoïste. Et puis petit à petit, le blog a évolué pour apporter également une aide à l’apprentissage de l’hypnose.
JDP : Le blog a-t-il rencontré un public ?
JEC : Le blog a mis du temps à décoller. Au début, c’était essentiellement des hypnotiseurs, curieux, qui suivaient mes péripéties. Forcément, le public visé était assez mince. Et lorsque petit à petit le blog a commencé à toucher un public plus large, souhaitant mieux comprendre l’hypnose, et même pourquoi pas l’apprendre, le trafic a fait un bond en avant considérable. Aujourd’hui, c’est entre 400 et 800 visiteurs qui viennent quotidiennement piocher des renseignements sur le site.
J’ai aussi mis à disposition un eBook, gratuit, expliquant (illustrations comprises) toutes les techniques que j’utilise dans la rue. En 8 mois, il a été téléchargé plus de 6000 fois. Devant autant de succès, j’ai décidé d’en écrire une version plus complète et détaillée. Celle-ci sera payante et comportera plus de 200 pages, contre une cinquantaine pour la version gratuite (sortie vers la mi-mai).
JDP : Contrairement à bon nombre de blogs sur la toile, le vôtre témoigne d’une convivialité respectueuse ainsi que d’un respect de la langue française. Comment faites-vous ?
JEC : En ce qui concerne le blog, j’essaie tout simplement de faire en sorte qu’il me ressemble. J’aime écrire, j’aime communiquer. Et pas qu’à l’oral. A partir de là, il est pour moi essentiel que chaque article soit travaillé, corrigé de ses fautes (il doit en rester encore quelques unes), et qu’il transmette ma vision de l’hypnose. Mon approche se veut conviviale, respectueuse et bienveillante et j’essaye de toujours encourager les apprentis-hypnotiseurs à respecter l’éthique que je m’impose.
En ce qui concerne le forum maintenant, je suis tout aussi étonné que vous. J’ai entendu cette réflexion des dizaines de fois, et je ne me l’explique toujours pas. Bon, j’ai bien une petite idée. Je dirai que les piliers du forum, les membres les plus actifs, sont des personnes pour qui l’humain prime sur tout le reste. Les parcours sont variés mais nous formons tous une vraie communauté, et poursuivons le même objectif : démystifier l’hypnose et encourager sa pratique dans tout le pays. Certains membres sont davantage orientés spectacles, d’autres vers la thérapie, sans oublier tous nos Street-Hypnotiseurs. Mais personne ne se tire dans les pattes, pour la simple et bonne raison que nous sommes tous animés par la même passion.
JDP : Vous proposez un e-book gratuit qui donne un accès relativement simple aux techniques de base de l’hypnose. De nombreux jeunes, voire très jeunes, pratiquent maintenant l’hypnose de rue. Vous les encouragez à respecter une éthique. Quelle est cette éthique ?
JEC : Pour le bien-être de leurs volontaires et surtout leur sécurité, je les encourage, j’essaie de leur démontrer qu’ils ont tout intérêt à suivre cette éthique.
Mon éthique peut se résumer en deux mots : respect, et sécurité. L’hypnose en tant que telle n’est absolument pas dangereuse. C’est ce qu’on en fait qui peut amener un danger. J’insiste donc énormément sur toutes les consignes de sécurité, qui peuvent paraître évidentes pour beaucoup d’entre nous, mais qui par expérience ne le sont pas pour tout le monde. Quelquefois, on peut aussi juste oublier, ou ne pas faire attention. Un exemple tout simple : lorsque l’on va hypnotiser des personnes dans la rue, on va suggérer avant l’induction que la personne restera debout, bien droite sur ses appuis. Ainsi, elle ne tombera pas au sol comme on peut le voir dans les spectacles.
Et puis le respect. Nous abordons de parfaits inconnus, qui acceptent généreusement de se prêter au jeu. Il est donc normal de leur montrer qu’on les respecte. On ne va pas être trop tactile dans notre approche, on va faire attention à ce qu’ils se sentent toujours bien, et surtout qu’ils repartent avec le sourire jusqu’aux oreilles et cette sensation inoubliable d’avoir appris à mieux se connaître grâce à l’hypnose. Il est hors de question de laisser repartir une personne après une séance d’hypnose de rue avec un mal de tête par exemple. Encore une fois, c’est peut-être évident pour tous ceux qui nous lisent, mais croyez-moi il n’est jamais inutile de le répéter.
JDP : Il semble quand même qu’un certain nombre de jeunes n’ont pas pris le temps de lire vos recommandations éthiques. Au vu de certaines vidéos, beaucoup de vos membres s’en sont émus sur le forum. N’avez-vous pas ouvert l’hypnose à des personnes immatures et/ou irresponsables ?
JEC : Certainement… Et à chaque fois, je me repose l’éternelle question : « dois-je continuer ? »
J’ai failli tout arrêter à plusieurs reprises. Parce que j’ai vu des personnes véhiculer une très mauvaise image de l’hypnose « à cause de moi ». Bien souvent, ils font très attention aux consignes de sécurité, mais oublient que le spectateur lambda qui va venir voir leur vidéo sur Youtube risque de ne pas interpréter les images de la bonne façon. Par exemple, s’il voit une jeune fille imiter une poule, il va tout de suite penser que cette malheureuse a été forcée pour réaliser une telle horreur devant la caméra. Or, il n’en est rien. Mais sorti de son contexte, l’hypnotiseur va une nouvelle fois véhiculer une image faussée et mal interprétée de l’hypnose. Inévitablement, cela contribue à la pérennité de tous les clichés et préjugés sur l’hypnose en France et ailleurs.
Et puis, j’en suis arrivé à une conclusion. Plutôt que de vouloir interdire ou empêcher les personnes immatures ou irresponsables d’apprendre l’hypnose – et puis, qui suis-je pour juger qui est apte ou non ? -, j’ai compris qu’il fallait au contraire informer encore plus. Si tout le monde savait que cette jeune fille avait juste envie de jouer le jeu, et que dans le cas contraire la suggestion ne serait pas passée, nous pourrions tous rire (ou non selon les goûts) sans retenue devant la vidéo, comme lorsque l’on voit des personnes faire la poule dans d’autres vidéos sans hypnose. Et cela ne nous empêcherait pas de continuer à demander une anesthésie sous hypnose pour notre prochaine opération, ou de nous faire hypnotiser pour le fun en toute confiance. Comprendre comment fonctionnent les suggestions permet de se libérer une bonne fois pour toutes de la peur de l’hypnose. Et c’est ce que je souhaite pour tous, plus que jamais.
JDP : Venons-en à la pratique de l’hypnose de rue. Comment gérez-vous le premier contact avec des inconnus, comment amenez-vous des personnes lambda à accepter de se faire hypnotiser en pleine rue ?
JEC : Dans la rue, nous avons deux méthodes qui prédominent. La première consiste à aller aborder des petits groupes de personnes pour leur proposer de vivre une belle expérience d’hypnose. Certains refusent, évidemment. Soit parce qu’ils sont pressés, soit parce qu’ils ont peur. Mais fort heureusement, de nombreuses personnes acceptent, curieuses, de jouer le jeu et de tester la puissance de leur imagination.
L’autre méthode, plus radicale mais plus simple aussi, consiste à sortir une pancarte « Séance d’hypnose gratuite » et attendre que des volontaires viennent à nous. L’inconvénient de cette méthode, c’est que l’on crée en général très vite un attroupement de personnes qui souhaitent elles aussi absolument essayer. C’est incroyable de constater à quel point il suffit pour une personne de voir quelqu’un se faire hypnotiser, pour tout à coup déclencher en elle cette urgence d’essayer elle aussi ; comme si elle avait peur de passer à côté de l’expérience de sa vie (et elle a sûrement raison !). Cette ferveur me dépasse quelquefois, et je préfère ainsi généralement prendre le temps d’aborder les gens, en leur expliquant calmement ma démarche, ma motivation, etc.
JDP : Que se passe-t-il une fois que la personne a accepté de se faire hypnotiser ?
JEC : Tout s’enchaîne très rapidement. Et j’insiste sur le « très ». En une minute, peut-être deux, la personne se retrouve debout, tête tombée vers l’avant, les yeux fermés, dans un profond état d’hypnose.
JDP : Une fois la transe hypnotique obtenue, qu’apportez-vous au volontaire ? Quel intérêt en retire-t-il ?
JEC : La séance d’hypnose de rue est orientée sur les phénomènes hypnotiques simplement parce que ce sont des évènements palpables, involontaires, concrets. Après l’induction, la personne est prête à enchaîner des phénomènes hypnotiques de plus en plus complexes. Bras qui se lève tout seul, main collée sur le front, oubli de son propre prénom, anesthésie d’une main, l’hypnotiseur qui devient invisible… La seule limite étant l’imagination de l’hypnotiseur et celle de son volontaire.
Une personne qui vit un phénomène hypnotique SAIT qu’elle a été hypnotisée. Si elle a simplement eu l’impression d’être détendue et relâchée, elle va se poser mille questions et douter de l’efficacité de l’hypnose.
Néanmoins, il nous tient particulièrement à cœur de proposer une relaxation agréable, accompagnée d’une multitude de suggestions positives. Ainsi, nos suggestions sont souvent accompagnées de « courants de bien être » ou de « vagues de chaleur positives » pour leur plus grand plaisir.
Aussi, le réveil final leur apporte un bien être considérable. Cette impression d’être complètement requinqué, vidé de toutes les angoisses, en étant parfaitement relâché et détendu comme après un succulent massage de deux heures, laisse à nos volontaires une image clairement positive de leur expérience.
La découverte de l’hypnose est aussi un moyen d’apprendre à se découvrir soi même. On insiste lourdement sur le fait que ce sont EUX qui sont les acteurs de tous ces phénomènes, et nous de simples guides. Nous n’encourageons absolument pas la passivité. Ainsi, ils en ressortent avec cette fierté d’être capable de reproduire eux-mêmes tout ce que nous leur avons appris au cours de la séance. Ils peuvent retourner ensuite tout seuls dans ce profond état de relaxation à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
JDP : Pouvez-vous nous décrire votre pratique, les différents états hypnotiques auxquels vous parvenez ?
JEC : Ma pratique étant tournée vers les phénomènes hypnotiques, je dirai qu’il y a très clairement différentes intensités, ou en tout cas différentes perceptions d’un même phénomène hypnotique selon la profondeur de l’expérience vécue. Ainsi, certaines personnes vont réellement oublier leur prénom et être persuadées de s’appeler Jean-René, faisant alors preuve d’un vrai lâcher prise. D’autres, plus résistantes, vont simplement avoir l’impression de ne plus pouvoir prononcer leur prénom, comme si l’information était disponible dans leur esprit mais refusait de sortir. Comme si elles avaient le mot sur le bout de la langue.
Le plus étonnant, c’est qu’il est possible – et c’est même là ce qui fait la force d’un bon hypnotiseur de rue – d’accompagner une personne pour l’aider à mieux appréhender un phénomène, à lâcher prise, jusqu’à vivre le même phénomène hypnotique avec une intensité supérieure.
Lors de la conférence « Hypnose Classique » organisée par Olivier Perrot (AFNH), j’ai réalisé une analgésie (aucune douleur perçue, tout en conservant une sensation de toucher) sur une personne, malgré avoir suggéré une anesthésie (aucune sensation perçue). Qu’à cela ne tienne, j’ai joué le rôle du guide et j’ai reformulé, approfondi l’expérience, jusqu’à que la personne lâche prise un peu plus et lève ses dernières résistances. Quelques secondes plus tard, elle vivait une totale anesthésie, comme si sa main anesthésiée ne lui appartenait plus.
JDP : C’est comme une situation d’apprentissage pour la personne hypnotisée ?
JEC : Exactement. L’hypnose est un apprentissage par levée d’obstacles. Et chaque fois que l’on passe une résistance, l’obstacle saute et est immédiatement remplacé par une porte dont seul le volontaire détient la clé. Ainsi, il est libre ensuite de vous ouvrir la porte de son inconscient pour revivre le même phénomène hypnotique à volonté. Etre hypnotisé, ça s’apprend !
JDP : Comment gérez-vous les résistances ?
JEC : Ma méthode principale pour gérer les résistances est la ruse. J’utilise les croyances de la personne pour lui démontrer qu’il est possible, même pour elle, de dépasser ses résistances.
Lorsqu’une personne me dit par exemple qu’elle ne visualise pas bien ce que je lui demande, je vais par exemple reformuler ma suggestion en présentant une métaphore complètement différente « qui marche 99% du temps sur les personnes kinesthésiques comme toi ». Et là, peu importe son canal sensoriel principal, la suggestion VA passer. J’ai menti, oui, et alors ?
Tant que la suggestion passe, c’est le principal ! Et une fois que la personne a vécu au moins une fois le phénomène hypnotique, on peut même lui avouer notre petite ruse. Cela ne changera rien
JDP : Est-il question parfois de thérapie ?
JEC : Non. Et j’y tiens. Cela fait partie de l’éthique que je m’impose et que je recommande à tous mes lecteurs.
Par contre, il est évident qu’une personne, qui vient de prendre une photo et parler avec sa star favorite qui vit en réalité de l’autre côté de l’atlantique, peut vous demander s’il est possible d’arrêter de fumer. En soi, on pourrait la faire arrêter de fumer en une seule suggestion : « et maintenant, tu n’as même plus envie de fumer ». Le problème, c’est que la thérapie ne fonctionne pas comme ça. Cette suggestion disparaîtrait au bout de quelques heures. Nos suggestions sont éphémères, là où la thérapie provoque des changements durables, quelquefois pour toute une vie.
J’ai créé des partenariats avec des hypnothérapeutes sur Toulouse. Lorsque j’ai une demande thérapeutique dans la rue, je renvoie vers les professionnels. En plus, les personnes arrivent dans le cabinet avec un conditionnement idéal, et l’outil hypnose devient alors d’autant plus performant.
JDP : A la longue, puisque vous ne faites pas de thérapie, ne ressentez-vous pas un manque d’intérêt, une lassitude à hypnotiser des inconnus ?
JEC : Aucune lassitude. J’aime l’hypnose de rue et toutes les rencontres que cette pratique m’apporte. Récemment, j’aidais une nouvelle recrue (féminine qui plus est, c’est tellement rare qu’il faut le signaler !) à aborder des inconnus pour qu’elle prenne confiance en elle et se jette à l’eau. J’ai alors hypnotisé une volontaire qui semblait un peu réticente. Vous auriez vu son visage lorsque j’arrivais au chiffre « 5 » pour l’inviter à ouvrir les yeux et se reconnecter à la réalité ! Un sourire éblouissant alors qu’elle s’étirait de bonheur, invitant ses collègues à ne surtout pas passer à côté d’une telle expérience. Elle se sentait envahie par ce fameux « courant de bien être » que l’on aime tant suggérer. Ce « merci » qu’elle nous a donné ensuite venait du fond du cœur. Et même si je sais que je ne reverrai probablement jamais ces personnes, je m’en moque. Je n’attends rien de plus. C’est comme si j’avais posé ma petite pierre sur un édifice qui me transcende complètement.
Je vais tout de même nuancer : mon goût prononcé pour la communication et l’envie d’aider les autres me poussent quelquefois à me remettre en question. J’aimerais, si je le pouvais, étendre ma pratique à la thérapie. Or, n’ayant suivi aucune formation médicale, et ne disposant pas de moyens suffisants pour me former complètement, je préfère laisser la thérapie aux personnes plus compétentes.
JDP : Vous ne parlez pas de thérapie sur le blog. Pourtant, on découvre au fil des sujets, que des thérapeutes s’y expriment. Que viennent-ils chercher ?
JDP : Je pense que vous faites plutôt allusion au forum. Je serais ravi que certains thérapeutes viennent s’exprimer sur le blog à travers des articles relatant leurs expériences ou leurs apprentissages provenant de l’hypnose de rue, mais ce n’est pas le cas pour l’instant.
Sur le forum donc, je pense que ces personnes cherchent simplement une palette d’outils plus grande pour s’adapter à toutes les personnes qui vont venir dans leur cabinet. Certains patients, évidemment, ont besoin que l’induction soit lente, progressive… Mais d’autres auraient clairement besoin d’une induction rapide, voire instantanée, pour lâcher prise plus facilement. Et puis, sur une séance d’1h30 par exemple, si l’induction ne prend que quelques dizaines de secondes, c’est autant plus de temps épargné pour la thérapie ensuite.
Enfin, même si ce n’est pas obligatoire, prouver à la personne qu’elle est bien sous hypnose à travers un phénomène hypnotique très simple (main collée sur la cuisse par exemple) peut l’aider à mieux assimiler toutes les suggestions thérapeutiques, plutôt que de se poser l’éternelle remise en question : « ai-je vraiment été hypnotisé ? Je me sentais normal pourtant… »
JDP : Olivier Perrot, président de l’Association Française de Nouvelle Hypnose, vous a demandé d’intervenir dans une de ses formations dont le thème était l’hypnose classique. Avez-vous été surpris de cette proposition ?
JEC : Complètement ! C’était la première fois qu’une personne qui forme des professionnels du monde médical s’intéressait à ma pratique d’hypnose de rue. J’ai été très agréablement surpris, et j’ai évidemment saisi l’occasion de faire connaître ma pratique.
JDP : Vous êtes intervenu pendant plus de trois heures devant les stagiaires, tous des professionnels. Comment avez-vous structuré votre intervention et quel a été votre fil conducteur ?
JEC : Tous ces professionnels connaissaient déjà parfaitement l’hypnose Ericksonienne. Ils savaient donc déjà induire un état hypnotique à proprement parler. Par contre, ils n’étaient pas forcément familiers avec les inductions instantanées et les phénomènes hypnotiques.
Ma démarche a donc été de leur proposer d’apprendre des techniques utilisées en hypnose de rue, pour les adapter ensuite à leurs pratiques médicales respectives. Que ce soient des médecins urgentistes, des psychiatres, des infirmiers, mon objectif était de leur apporter des outils supplémentaires pour leur faciliter la vie. Quand on doit hypnotiser une personne dans l’urgence, il faut que ce soit rapide. Et cela tombe bien, les techniques d’hypnose de rue sont rapides, très rapides. Il faut aussi emmener la personne dans l’état d’hypnose le plus profond possible. Là encore, on peut s’appuyer sur les phénomènes hypnotiques pour tester la transe et l’approfondir davantage.
JDP : Vous avez insisté sur le fait que la personne hypnotisée « joue le jeu ». Y compris en thérapie ?
JEC : Une personne qui résiste peut délibérément empêcher tout phénomène hypnotique de se réaliser. Mais ce n’est ni dans son intérêt, ni dans le nôtre. En revanche, on ne demande absolument pas de « faire semblant ». On recherche plutôt la notion d’ouverture d’esprit, de lâcher prise. Quelque part, il faut qu’elle accepte d’être surprise. Et très souvent, à force de jouer le jeu, on finit par se laisser prendre en jeu ! Et c’est là que l’hypnose prend tout son sens.
JDP : Olivier Perrot vous avait demandé de consacrer une partie de votre exposé au traitement de la douleur par l’hypnose. Vous avez, à cette occasion, raconté une anecdote que vous avez vécue. Pouvez-vous nous la relater ?
JEC : Nous étions trois, en train de nous amuser tout près de la place du Capitole à Toulouse. Deux amis que j’avais déjà hypnotisés, et qui avaient vécu une panoplie de phénomènes hypnotiques très larges, dont l’anesthésie.
A un moment donné, ils chahutent entre eux, l’ongle de Cassandre se déchire et reste accroché à la bague de Tony. Elle ne s’en rend compte que quelques secondes plus tard, et manque de s’évanouir devant tout ce sang. Complètement paniquée, elle se tord littéralement de douleur. J’essaye donc de la calmer en lui demandant de fermer les yeux et de se concentrer sur sa respiration. Pendant ce temps, je lui ai demandé de faire remonter à la surface toutes les ressources lui permettant de mettre en veille temporairement ce signal de douleur, le temps de l’emmener se soigner. Je lui ai parlé comme à un petit enfant : « La douleur c’est comme un signal d’alarme pour te prévenir que quelque chose ne va pas. Comme on est au courant de ce qui ne va pas désormais, il est préférable que la douleur disparaisse le temps que l’on aille jusqu’à la pharmacie la plus proche pour te soigner cette plaie. ».
Et c’était tout. Elle n’avait plus mal. Et la pharmacienne a ainsi pu lui apporter les premiers soins en toute tranquillité. Elle n’en revenait pas. Elle avait l’impression que Cassandre dormait paisiblement alors qu’elle était en train de déposer du désinfectant sur sa plaie, chose qui aurait dû la faire crier de douleur.
J’aime raconter cette anecdote, parce qu’elle montre bien à quel point l’apprentissage de l’hypnose permettrait de gérer bien plus facilement toutes les situations de cas d’urgences liées à la douleur notamment.
JDP : Avec le recul, comment analysez-vous votre intervention lors de la formation avec Olivier Perrot, intervention qui était une première pour vous ?
JEC : Une expérience très enrichissante. J’ai reçu depuis plusieurs mails de remerciement. Des personnes qui se disaient « résistantes » et à qui j’ai fait découvrir des phénomènes hypnotiques, des personnes qui sont ravies de pouvoir utiliser les quelques techniques que j’ai présentées, des personnes qui souhaiteraient assister à l’une de nos démonstrations dans la rue, des personnes qui ont apprécié l’état d’esprit de ma présentation. Humainement parlant, cette intervention m’a apporté bien plus que ce que je ne pouvais espérer.
JDP : Vous avez dû remarquer avec quelle attention tous ces professionnels ont suivi vos explications et avec quelle chaleur ils vous ont applaudi à la fin. Un encouragement pour recommencer ?
JEC : Oui, clairement !
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