Le Magazine de l'Hypnose et des Neurosciences

 
 

 
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Posté 16 mars 2013 par Jean Dupré dans Accompagnement et Thérapie
 
 

L’hypnose… Mais sans le soufre

La clé du cerveau
La clé du cerveau

Pourquoi un magazine en ligne sur l’hypnose ?

Certainement parce que la pratique de l’hypnose est une passion qui anime notre équipe éditoriale. Mais aussi et surtout parce que l’hypnose nous paraît encore souffrir – malgré les nombreuses recherches scientifiques de ces dernières décennies et la reconnaissance croissante de son efficacité -  d’une image aussi désuète qu’inappropriée.

Passons brièvement sur le fait que des phénomènes d’hypnose ou de transe sont rapportés à toutes les époques et dans toutes les cultures pour nous concentrer sur la manière dont elle est perçue et définie dans le monde occidental depuis environ trois siècles, c’est à dire, en gros, depuis le moment où elle a commencée à être un objet d’étude scientifique, au sens où nous entendons habituellement ce mot.

Très souvent, une fois que fut infirmée l’hypothèse de magnétisme animal, lorsqu’elle n’a pas été réduite à une manifestation hystérique, l’hypnose a été assimilée à un phénomène de sujétion de la volonté d’une personne à une autre.

Il nous semble difficilement compréhensible de continuer à enfermer l’hypnose dans une représentation aussi simpliste et caricaturale

Certes la conception autoritaire de l’hypnose qui prévalait jusqu’à la fin de la première moitié du 20e siècle, favorisait une telle interprétation, que continue à entretenir la dimension spectaculaire de certaines démonstrations d’hypnose de cabaret.

Toutefois, un demi-siècle après les apports déterminants de Milton Erickson et des travaux sur l’interaction de l’école de Palo Alto, il nous semble difficilement compréhensible de continuer à enfermer l’hypnose dans une représentation aussi simpliste et caricaturale. Et ce sera certainement l’un des objets fondamentaux de ce magazine que de tenter de rendre compte de l’irréductible complexité de ce phénomène appelé hypnose.

Hypnose : des réalités diverses

Déjà, le mot hypnose, nous semble-t-il, recouvre deux ordres de réalité distincts :

  • d’une part  ce que l’on appellera par simplification un « état » de conscience dont la caractéristique serait, selon les définitions communément acceptées, d’être différent de « l’état normal ». Reste à définir ce que serait un état de conscience normal. Dans quel contexte, quel société, pour quelle personne ? La réponse définitive à cette question ne semble pas être à l’ordre du jour
  • d’autre part un processus relationnel permettant l’altération de cet « état » chez une personne. On est alors proche des idées d’influence, de manipulation ou simplement d’interaction. Il existerait ainsi des techniques ou un art hypnotique permettant de favoriser la modification de l’état psychique chez autrui.

Mais selon quels critères objectifs un « état » psychique peut-il être qualifié d’hypnotique ?

La notion de suggestibilité mise en avant par Hyppolyte Bernheim à la fin du 19e siècle est sans doute un des critères les plus intéressants pour décrire ce que serait un état d’hypnose.

Sauf qu’à ce compte tout ou presque serait hypnose tant il est difficile de ne pas être suggestible ou influencé par ce que se passe sans cesse autour de nous.

Ainsi, par exemple, sommes-nous en état d’hypnose à chaque fois qu’une personne revêtue d’une autorité (parent, dirigeant politique, chef de service, médecins, psychothérapeute…) nous communique une idée que nous faisons notre ? Lorsque nous acceptons de nous soumettre à la volonté, à l’autorité, au savoir d’autrui ? Lorsque nous nous laissons influencer par une publicité, un discours, conditionnant un vote ou un acte d’achat ?

Y-a-t’il des degrés de suggestibilité ? Et à partir de quand passe-t-on d’un état normal à un état de suggestibilité suffisamment accrue pour que l’on puisse l’appeler hypnose. Faut-il des yeux fermés, une catalepsie, des mouvements involontaires, l’acceptation automatique des suggestions proposées par un hypnotiseur?

Certaines échelles tentent d’objectiver ce phénomène. Mais à ce jour, avouons-le, la diversité des comportements de chaque individu est telle qu’il nous semblerait inconséquent de prétendre y déceler une quelconque règle générale.

La diversité des comportements de chaque individu est telle qu’il nous semblerait inconséquent de prétendre y déceler une quelconque règle générale

Alors, devons-nous appeler hypnose, cette hallucination qui, lorsque nous sommes face à quelqu’un que nous aimons, nous empêche de voir tout ce qui pourrait nous déranger chez cette personne et nous fait oublier, le temps d’un rendez-vous, non seulement tous nos soucis, mais même le monde environnant ?

Devons-nous appeler hypnose ces conditionnements et routines de pensées qui nous rendent parfois incapables d’aborder une information ou une situation sous un autre angle que celui sous lequel nous sommes habitués à la considérer ?

Devons-nous appeler hypnose tous ces états particuliers qui nous conduisent à accomplir certains actes de manière automatique ? Parler, marcher, conduire, ressentir une émotion particulière dans une situation donnée, agir sans avoir le sentiment de maîtriser nos actes…

Nous voilà donc face  à un objet infiniment plus complexe que la manière dont il est habituellement décrit.

Vers une pédagogie de l’utilisation de nos capacités psychiques

Pour revenir au travail de Milton Erickson et de son collaborateur Ernest Rossi, l’un de leurs apports essentiels, nous semble-t-il, est d’avoir caractérisé l’hypnose comme un fonctionnement naturel et commun de notre système psychique, au même titre que le rêve ou le sommeil profond. Nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements de la compréhension de ce phénomène et de son utilité pour notre équilibre psychique, mais il nous semble que l’hypnose et la suggestibilité  peuvent également être envisagés comme le corollaire de la phénoménale capacité d’apprentissage du cerveau humain.

Si pour apprendre et nous développer, nous avons besoin d’être influencé, alors ce que l’on appelle suggestibilité ou hypnose est peut-être simplement un état particulier de plasticité mentale nous permettant de remettre à jours nos savoirs, qu’ils soient rationnels et objectifs, ou comportementaux et émotionnels.

Dans ce cas, la question qui nous anime, bien au-delà de la notion d’autorité, de sujétion ou de pouvoir, devient celle de la maîtrise et de l’utilisation de ces facultés naturelles chez chacun de nous. Et plutôt que s’interroger sur les dangers réels ou supposés de l’hypnose – qui ne sont peut-être pas si différents des dangers inhérents à toute relation – ne ferait-on pas mieux de penser l’hypnose comme une pédagogie de ces mécanismes mentaux chez chacun de nous ? Une pédagogie qui permettrait à chacun de savoir observer et modifier la manière dont nous nous parlons à nous même, dont nous créons sans cesse des images mentales de nos projets et de nos souvenirs et d’apprendre à être plus libres dans nos émotions, nos conceptions et nos comportements.

Alors au lieu du dyptique hypnotiseur/dominant – hypnotisé/dominé nous pourrions penser la fonction de l’hypnotiseur comme celle d’un pédagogue enseignant à l’hypnotisé l’observation et l’utilisation choisie de ses mécanismes mentaux. Afin qu’au lieu d’être prisonniers d’emprises inconscientes, chacun puisse choisir d’utiliser au mieux les extraordinaire capacités de l’esprit humain.


Jean Dupré

 
Avatar de Jean Dupré
Formateur en hypnose éricksonienne, titulaire d'une maîtrise de droit privé et d'un master de communication, a exercé diverses fonctions dans les métiers de de la communication (journaliste, documentariste, consultant…) avant de se tourner vers l'hypnose pour accompagner individus et organisations vers le changement.