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Posté 18 mai 2013 par Agathe Maire dans Articles
 
 

Catherine Contour : la danse augmentée de l’outil hypnotique

Catherine Contour - Réalités Hypnotiques
Catherine Contour - Réalités Hypnotiques

Danseuse, chorégraphe, enseignante, Catherine Contour fait intervenir l’hypnose à chaque étape de la création artistique. Le spectateur devient « baigneur », immergé dans des pièces parfois immatérielles. Les performances deviennent des « plages », des « plongées ».

Après une série de performances, tables-rondes, conférences sur l’hypnose avec Catherine Contour, la Gaîté Lyrique de Paris renouvelle son invitation pour un cycle de « Danses augmentées » dans le cadre de sa saison 2013-2014.

http://www.maisoncontour.org/

D’une façon peut-être un peu générale, que voulez-vous profondément dire à travers l’art et tout particulièrement à travers la danse, votre domaine de prédilection ?

J’ai une double formation en danse contemporaine et en scénographie aux Arts-Décoratifs de Paris. Les relations entre le corps et l’espace, habiter le corps, habiter l’espace, habiter le monde, sont les fondements sur lesquels je travaille.

Habiter le corps, habiter l’espace, qu’est-ce que cela représente pour vous?

C’est prendre conscience que l’on a un corps et que ce corps peut beaucoup. C’est prendre conscience que l’on est vivant, que la vie c’est avant tout du mouvement et que ce mouvement peut se transmettre et se partager à travers une expérience artistique.

Le « baigneur » est inclus énergétiquement dans la proposition tout en restant libre de la vivre en choisissant, comme sur la plage, sa position et son régime d’activité.

En tant qu’artiste, vous avez développé l’outil hypnotique d’une manière bien spécifique, intervenant aussi bien dans le processus de création que dans l’expérience esthétique offerte au public. Comment l’hypnose et votre démarche artistique se sont-elles entremêlées ?

J’ai rencontré il y a une quinzaine d’années le Dr Jean Becchio (ndlr : président de l’Association Française d’Hypnose Médicale). Dans le cadre d’un stage de Qi Gong qu’il organisait avec Zhou Jing Hong, j’ai assisté à une conférence qu’il donnait sur l’hypnose ericksonienne. Pas à pas, j’ai découvert l’hypnose à partir de l’auto-hypnose où j’ai reconnu quelque chose que je connaissais en fait déjà très bien en « M. Jourdain de l’hypnose ». A chaque fois que l’on danse, que l’on crée, le processus hypnotique se développe.

Ce lien entre pratiques énergétiques, et notamment entre Qi Gong et hypnose, s’impose-t-il de lui-même ?

Dans l’approche de l’hypnose énergétique à laquelle je me suis formée, toutes les modifications, les transformations du corps, sa mise en mouvement, relèvent d’un travail énergétique. Des visualisations particulières déclenchent dans le corps des modifications d’intensité, de tonicité, de température, des mouvements.

Et concrètement, comment articulez-vous par exemple Qi Gong, hypnose et danse ?

Dans le cadre de la création chorégraphique, je propose par exemple un accompagnement hypnotique par la parole et le mouvement, associé aux mouvements du Qi Gong, mais aussi à une forme de sieste courte ou au tracé de mandala. Le mouvement nait et se développe pendant et à partir de ce travail d’induction. Selon les personnes, l’entrée dans la pratique se fait plus facilement par telle ou telle porte.

Pour vous, il est important d’ouvrir, de relier cela à tout ce qui existe par ailleurs ?

Oui, et ce que j’apprécie beaucoup dans l’hypnose, telle que Milton Erickson l’a transmise c’est qu’il ait pris position sur le fait qu’on ne pouvait la transmettre sous une forme   dogmatique, figée. Il n’a pas écrit de méthode. D’autres ont observé et témoigné de sa pratique. Nous sommes tous, praticiens, en permanence en train de réinventer, d’actualiser cette technique. Chacun prend appui sur sa propre expérience, s’enrichit de celle des autres et devient créateur.

L’une des dimensions de votre démarche consiste à convier le public à une expérience esthétique basée sur l’hypnose, en quoi cela consiste-t-il ?

L’hypnose peut s’envisager comme un « médium artistique ». Je propose entre autre ce que j’appelle des « pièces d’hypnose ». Ce sont des œuvres « immatérielles ». Début 2012, à la Gaité Lyrique, j’ai invité les gens du public à mettre leur imaginaire en mouvement à l’aide de suggestions hypnotiques. Je les ai accompagnés avec un « scénario » spécialement conçu pour qu’ils vivent une danse, depuis la place du spectateur, du danseur et du chorégraphe. Chacun a collaboré à sa manière à l’écriture de cette danse, à la fois individuelle et collective.

Vous utilisez également l’hypnose avec des danseurs bien réels…

Oui, je travaille avec les danseurs en hétéro-hypnose pour qu’ensuite ils puissent danser en auto-hypnose. J’ai pu expérimenter ce processus dans différents contextes de création et de transmission : au Centre chorégraphique national de Grenoble, à Royaumont dans le cadre du programme Transforme, alors dirigé par Myriam Gourfink. Nous sommes en train d’inventer toutes sortes de protocoles.

En tant que chorégraphe, je crée pour les danseurs un accompagnement spécifique en hétéro-hypnose. Ensuite nous passons par différentes étapes comme l’écriture automatique et d’autres formes d’écritures qui constituent les strates à partir desquelles se déploiera la danse en auto-hypnose. J’intitule ces pièces des « danses avec hypnose », en soulignant l’utilisation de l’hypnose d’aujourd’hui et la distinction très nette d’avec les « danses sous hypnose » du début du XXe s. !

Est-ce un défi particulier pour les danseurs de passer de l’accompagnement hypnotique au « dansé autonome » ?

La parole génère des images, des sensations, des mouvements. En hétéro-hypnose, j’induis le fait que ces « pré-mouvements »vont se développer et s’amplifier jusqu’à leur expression dansée comme peut s’induire le phénomène de lévitation de la main. Avec de l’entrainement ce passage devient de plus en plus simple et évident.

Parfois, j’accentue tel ou tel aspect pour faciliter cette mise en mouvement. Si un danseur est plus kinesthésique, je vais utiliser des accompagnements qui font appel à la sensation du corps dans l’espace, à la relation à des objets. Si un danseur est plus visuel, je lui suggère des images. Et ces images génèrent du mouvement.

Quelles sont les nouvelles pistes de réflexions que vous menez aujourd’hui ?

Je poursuis ce travail sur les danses avec hypnose et sur des pièces d’hypnose pour espaces de projection telles que des petites salles de cinéma.

Je me penche sur la réception et sur les dispositifs appropriés à l’accueil des « baigneurs ». A la Gaité Lyrique, chaque rendez-vous public aura la forme d’une « Plongée ». Au rythme d’une par mois à partir d’octobre, seront proposés des formes hybridant performance, atelier, conférence, table rondes… Des expériences aux formats variés.

Qu’observez-vous de l’a priori du public, de sa curiosité ?

Ce que j’observe m’a amené à faire deux types de propositions. Les propositions où j’annonce l’hypnose -peuvent remplir la salle !- Les propositions où je ne l’annonce pas.

Dans un cas, partir des attendus par rapport à l’hypnose, des fantasmes, de la fascination, jouer de cet effet d’annonce puis réajuster les choses de façon très simple et pédagogique. Dans l’autre cas, l’hypnose, présente en filigrane, peut se livrer (ou ne pas) à travers de nombreux indices à qui sait les lire ou à qui interroge.

En 2011, vous avez reçu une bourse du Centre National de la Danse pour votre recherche sur l’outil hypnotique pour la création, la transmission et l’enseignement en danse. Avez-vous le sentiment que l’hypnose commence à être pris en compte au niveau institutionnel et même qu’il y aurait une attente de la part des institutions?

On rencontre une grande méfiance de la part des institutions, mais il y a aussi une grande curiosité. C’est tout un travail d’expliquer, de rassurer, parfois de proposer quelques jours d’initiation. A la suite de quoi les gens ont, pour la plupart, envie d’aller plus loin. 

Des choses bougent en ce moment dans ce sens là ?

Oui. Pour les institutions ce n’est pas encore tout à fait mûr, mais ca évolue. A Genève nous sommes en train de mettre en place la transmission de cet outil. Les étudiants en arts s’en emparent tellement vite, ça essaime. Les deux mouvements ont besoin de cohabiter pour qu’il y ait une reconnaissance : que les lieux institutionnels se rassurent et comprennent l’intérêt de cette démarche, que les étudiants s’emparent de cet outil et développent des projets, montrant ainsi son importance et son utilité.

Vous enseignez dans l’enseignement supérieur en arts, à l’école d’arts de Grenoble, d’Aix-en-Provence, de Mulhouse, de Genève, au CNDC (Centre national de danse ccontemporaine d’Angers), à Transforme à la Fondation Royaumont, à l’ENSAD (Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris), au CMLO (Centre méditerranéen de Littérature Orale). Concrètement comment abordez-vous la question de la création, à travers votre outil hypnotique, avec les étudiants ?

D’abord, l’approche théorique resitue l’hypnose. Qu’est-elle aujourd’hui ? Quelle est l’approche des neurosciences ? Quelles utilisations en a-t-on dans d’autres secteurs que la création ? Par quoi, historiquement, cette discipline est-elle passée ? Il est utile de relier tout cela, de ne pas renier l’imagerie à laquelle elle nous renvoie. Aujourd’hui, on n’est plus à l’époque de Messmer ou de Charcot mais ils font parti de l’histoire de l’hypnose.

Et puis, très vite, on se plonge dans des exercices : du travail graphique au mouvement dans l’espace. J’ai construit cet outil en prenant appui sur des exercices issus de la danse contemporaine qui, pour moi, ont un lien avec le développement du processus hypnotique. Les étudiants reconnaissent très rapidement des choses qu’ils connaissent déjà et découvrent des possibilités nouvelles. Entre eux, cela circule beaucoup, des liens forts se créent, ils vivent une expérience de groupe qui les amène à évoluer.

A partir d’octobre 2013, retrouvez Catherine Contour dans le cadre des rendez-vous Danses augmentées à la Gaîté Lyrique de Paris. 


Agathe Maire

 
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L'art, le processus de création artistique, l'exploration du champs des possibles, sont autant de thèmes ayant conduit Agathe Maire à s'intéresser à l'hypnose. Diplômée de Sciences-Po et d'HEC Montréal en gestion culturelle, elle est aujourd'hui journaliste en radio et en presse écrite


  • disqus_BEmLQasb7j

    j’adore le travail de catherine contour!